Dossier : Nous, joueurs, sommes-nous devenus trop exigeants envers les développeurs de jeux ?

No Man's Sky au cœur de la tourmente ?
No Man's Sky au cœur de la tourmente ?

J’étais en train de lire sur Gameblog un article vraiment intéressant, écrit par Atred, un des nombreux bloggueurs du site ! Et globalement, je suis plutôt d’accord avec son analyse, surtout après avoir rencontré plusieurs développeurs de jeu : l’ambiance au sein de la communauté de joueurs a changé, et pas forcément en bien… Et c’est ce dont on va discuter aujourd’hui !

Des joueurs exigeants…

L’un des points sur lequel je rejoins l’auteur, c’est au niveau de l’exigences des joueurs. D’ailleurs, il reprend l’exemple de No Man Sky et ses demandes de remboursement massif. Le jeu reste un jeu moyen, c’est vrai,  avec bien des défauts et des bugs. S’il était évident que le procédural amènerait quelques problématiques qui seront difficile à gérer, difficile d’expliquer les problèmes de performance sur PC, lorsque cela tourne plutôt bien sur PS4.  Je cite :

Alors au risque de faire un peu vieux con, je me rappelle d’une époque où les gens n’envisageaient pas un instant, tout comme pour un film ou un livre, d’aller demander le remboursement intégral de son achat sous prétexte qu’il ne lui a pas plu. Et ce n’était pas parce que le consommateur d’il y a 10/15 ans était un mouton sans respect pour lui-même.

Et… Je suis bien d’accord avec l’auteur de cette phrase de nos jours. J’ai par exemple acheté No Man’s Sky en toute connaissance de cause, puisqu’au moment où j’ai acheté le jeu, j’ai pu moi même lire des tests et constater qu’il s’agit d’un jeu moyen. Bon, mon cas est un peu particulier, car j’avais envie d’essayer ce jeu par moi même… Et au final, même s’il n’est pas le jeu du siècle, j’ai quand même apprécié quelques éléments du jeu, qui est loin d’être une daube infâme tout de mêmeJ’ai tout de même continué à jouer, et je ne demanderais pas de remboursement Steam, puisque le jeu fonctionne correctement sur mon PC (dans le cas contraire, j’aurais demandé mon remboursement, ne pouvant utiliser le bien que j’ai acheté).

Il est vrai que si l’on va au cinéma, que l’on prend un ticket pour un film, et qu’au bout des 30 premières minutes du film, on est déçu, il ne viendrait à l’esprit de personne de se rendre au guichet pour demander un remboursement de celui-ci… Et pourtant, on se retrouve ici dans une situation où un jeu moyen se retrouve victime de demandes massives de remboursement. Comment expliquer cela ? Les joueurs serait-ils si capricieux que cela ? Au point d’acheter un jeu uniquement pour profiter de quelques heures de jeu et se faire rembourser ? Voyons cela…

Les joueurs ont-ils vraiment eu envie de troller No Man’s Sky ?

En fait l’auteur du jeu ne semble pas connaître entièrement la façon dont fonctionne Steam. En effet, je cite :

En bref qu’est-ce qu’on a ici ? On a des joueurs qui ont précommandé un jeu, ou l’ont acheté souvent en dématérialisé parce que c’est facile et qu’on n’a pas vraiment conscience de faire un acte d’achat en cliquant sur une case de son écran depuis son canapé. Au bout de 15h dessus, ils ont fini de s’amuser avec vu qu’ils n’iront jamais au bout (comme 80% des joueurs qui commencent un jeu) et ils trouvent que, quand même, le bouton « demander le remboursement » s’il est là, autant s’en servir et tenter de récupérer ses 70 boules.

Je ne pense pas que la majorité des joueurs ait acheté le jeu pour y jouer 15h et demander un remboursement du jeu. En effet, cela n’est pas possible, car, et je cite Steam :

Conditions de remboursement : L’offre de remboursement Steam s’applique aux jeux et logiciels du magasin Steam achetés dans les 14 jours et avec moins de 2 heures d’utilisation.

Il faut donc plutôt y voir une façon pour les joueurs de tester ce No Man’s Sky malgré les critiques, puisque l’on ne peut y jouer que 2h. C’est à dire le temps d’une démonstration. Je pense que ce sont des joueurs averti, qui ont lu les critiques, mais également vu des let’s play ou lu des blogs qui parlent du jeu. Car oui, aussi incroyable que cela puisse paraître, certains accrochent vraiment au côté exploration du jeu, que j’ai personnellement beaucoup aimé également, c’est l’aspect crafting mal géré qui me rebute.

Et ces saletés de drones qui ne me laissent pas tuer des animaux en paix.

Et ces saletés de drones qui ne me laissent pas tuer des animaux en paix.

Il y a donc une envie d’essayer le jeu, et plutôt que de le pirater pour « voir si le jeu est intéressant », une grande partie des joueurs achètent le jeu, dans l’espoir de l’apprécier, avant d’être déçu. Et de demander, pour certains, le remboursement dans les 2h. Quelque part, pour le développeur, il devrait plus voir cela comme un certains intérêt du public pour son jeu, suivi d’une déception, et d’en prendre compte pour le prochain épisode de son jeu, tout simplement 😉 ! Contrairement à l’industrie du cinéma, où la somme engagée est minime (moins de 10€), et le temps consacré au média faible (moins de 2h), on s’investi dans un jeu. Quand la somme à payer est de 60€, pour en moyenne une trentaine d’heure de jeu, on a envie auparavant de pouvoir essayer le jeu pour savoir si oui, ou non, on va y passer plusieurs heures ! Et c’est là le soucis de No Man’s Sky : Impossible de savoir sans l’avoir testé auparavant ! Et en l’absence de démonstration, la seule solution est soit de l’emprunter, soit de le pirater (pas bien), soit de l’acheter… Quitte à se faire rembourser si l’on est déçu 😉 !

L’Affaire Watch_dogs.

Alors certes, No Man’s Sky ne tient pas ses promesses. Il n’est pas comme dans les trailers. Sony nous le vend au prix d’un AAA. Tout cela est vrai, je vous l’accorde ! Et même à ce niveau, Atred (l’auteur de l’article dont je vous parle) a sa réponse, avec laquelle je suis globalement d’accord :

Quand à ce que l’on nous avait promis, eh bien cela s’appelle de la publicité, du marketing et les gens peuvent toujours porter plainte si ça leur chante pour tromperie, se cacher derrière cet argument est avouer haut et fort qu’ils [NDLR : Les joueurs] n’ont pas de recul sur les belles campagnes de communication et qu’ils n’apprennent pas des erreurs du passé. Bref, qu’ils [NDLR : Les joueurs] ne sont pas capables de réfléchir avant d’acheter.

Cela me rappelle l’affaire Watch_Dogs et son downgrade d’une certaine manière. La différence entre ce qui nous a été présenté (alors même que les consoles Next-Gen étaient encore du fantasme), et la réalité fut un choc pour une grande partie des joueurs…

D’ailleurs, il est intéressant de voir que la polémique a eu un impact sur l’industrie, puisque désormais, les éditeurs évitent de  nous balancer des images de jeux non issus des versions en développement – l’exemple le plus parlant étant probablement celui de Watch_Dogs 2… Et, chat échaudé craint l’eau froide, Ubisoft a été obligé de rassurer les joueurs en leur montrant de longues phases de gameplay (idem pour Steep), dans un contexte où ils se font croquer par Vivendi et que ce Watch_Dogs 2 représente leur poule aux œufs d’or pour cette année, aucun épisode d’Assassin’s Creed n’étant prévu (si ce n’est le fameux film au cinéma)… Watch_Dogs n’a pas tenu ses promesses graphiques ni ses promesses de gameplay, qui, au final, se sont révélées plutôt fade. Mais je pense qu’Ubisoft a compris cela, et a tenté d’insuffler plus de possibilités « Geeks » dans son second épisode, tout en nous montrant des trailers « réalistes » du jeu… Personnellement, j’ai hâte de pouvoir l’essayer (j’ai fait l’impasse sur le jeu à la Gamescom, j’ai privilégié Steep), car j’aime l’idée derrière Watch_Dogs, peut-être plus que l’ambiance d’un GTA V ou d’un Mafia III…

Les jeux vidéos, un média de masse.

Dernier point qu’il faut prendre en compte, c’est l’évolution économique de notre média. Le jeux vidéo est devenu économiquement le premier produit culturel mondial. Plus que l’industrie du cinéma, de la musique ou du livre ! Prendre de gros risques n’est plus du tout possible sur les titres à gros budget. Mais rien n’est prévisible sur ce marché. On s’en rend compte lorsqu’un Call of Duty : Infinite Warfare se prend un nombre impressionnant (3 millions) de pouces négatifs sur sa vidéo de gameplay, en ayant pourtant pris peu de risques et en modifiant la formule du Advanced Warfare tout simplement, pendant qu’un Battlefield 1 se fait acclamer par la foule en ayant pour thème la première guerre mondiale… Pourtant censée être moins prisée par le grand public (remarquez que je n’ai même pas utilisé le terme joueur ici) !

Bref, quand il y a quelques années, les jeux étaient l’oeuvre de leur créateur, qui étaient mis en avant sur les pochettes, tels que Hideo Kojima, Shigeru Miyamoto, Shinji Mikami ou encore Keiji Inafune, c’est de moins en moins le cas ces dernières années. On a certes, certaines exceptions (Metal Gear Solid, The Evil Within, Recore), mais la plupart du temps, on met en avant le nom du studio (Dice pour Battlefield), quand ce n’est tout simplement… Rien ! Qui connait le directeur artistique d’un Call of Duty ? Ou d’un Fifa ? Ou bien encore d’un Watch_Dogs 2 ? Ou d’un Steep ? Ces jeux sont plus axés sur la technique et leur côté hollywoodien, conçu par des milliers et des milliers d’employés aux 4 coins du monde, avec pour objectif de plaire au plus grand monde, quitte à édulcorer l’identité (visuelle, sonore) du jeu… Et c’est ce qui fait perdre à notre média sa valeur d’art, même s’il y a bien des exceptions, rassurez-vous !

Un marché de masse avec les réactions qui vont avec…

Au final, plus que de penser que les joueurs sont devenus exigeants – voir méprisant pour les créateurs de jeux – je pense que c’est surtout que le marché du jeu vidéo a changé. On retrouve encore cette ambiance de créativité – et de prise de risque minime – au niveau des jeux indés, comme No Man’s Sky je serais tenté de dire, qui, je le répète, est à la base un jeu indé. Mais de l’autre côté, on a des jeux polishé et calibré avec soin pour éviter tout flop, qui pourrait être fatal au cours boursier d’un éditeur… Et plus que du troll, je ne pense pas que le grand public fasse réellement la différence entre un jeu AAA et un jeu indé. Si un jeu ne lui a pas plu, malgré les critiques, il est normal pour lui de demander son remboursement dans les 2h, tout simplement… Il faut plutôt voir cela comme l’achat d’un nouveau véhicule, qui, lors de l’essai, n’a pas du tout plu malgré la publicité – Et que le client demande que l’on lui rende son apport dans les 24h…  Et cela risque d’arriver plus souvent à un éditeur indépendant qui a tenté d’imposer son concept – même si ça ne plait pas – que chez un grand éditeur qui aura l’expérience (et les études de marché) pour savoir ajuster un jeu pour qu’il plaise au plus grand nombre avant sa sortie 😉 !

Source : The 47 Org

 

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