Hello ! Comme certains le savent, je suis un fervent défenseur des jeux dématérialisés. Il faut dire que j’ai eu une vie non sédentaire, et que mes projections vont également dans ce sens ! Alors évidemment, lorsque je voyage avec ma Nintendo Switch avec ses 400 Go de jeux, c’est quand même autrement plus pratique que de ramener ma ludothèque qui doit bien peser plusieurs kilos et représenter plusieurs mètres cube d’encombrement…
Et le plus souvent, 2 remarques reviennent lorsque je parle de mes achats de jeux au format dématérialisé :
Premièrement, que je ne peux pas revendre mes jeux – mais même en physique, je ne revends pas mes jeux, je n’ai pas le réflexe pour, ni le temps et j’ai tendance à m’attacher à mes jeux…
Deuxièmement, que les jeux dématérialisés coutent plus cher ! Alors ce n’est pas forcément vrai, puisque durant le Black Friday, on peut acheter le dernier Tomb Raider (Shadow of the Tomb Raider) pour seulement 6 € sur le Store Xbox, ou bien encore Godfall pour une trentaine d’euros sur PS5… Mais force est de constater qu’en « day one », le prix des jeux en dématérialisé est bien plus élevé que les jeux en magasins…
Pourquoi les jeux physiques sont moins chers que les jeux dématérialisés ?
La réponse est en réalité très simple : les jeux ont un prix public conseillé (79,99 € chez Sony, 69,99 € chez Microsoft et la plupart des autres éditeurs), et le prix sur les stores des différentes consoles respectent ce prix – parce que ce sont des boutiques officielles. C’est d’ailleurs exactement la même situation sur l’Epic Games Store ou Steam : le prix des jeux est celui fixé par l’éditeur du jeu, tout simplement. Alors qu’en boutique, ce n’est pas la même chanson : Carrefour ou Amazon ne sont pas obligés de vendre au prix public conseillé, et, selon leurs intérêts, pourront baisser le prix comme ils l’entendent, en rognant sur leur marge, voire, dans certains cas, en vendant à perte (c’est possible en France en utilisant quelques astuces).
Du coup, la vraie question serait : « Pourquoi les constructeurs ne choisissent pas de vendre leurs jeux moins cher sur leur store ? ». Et là encore, la question peut paraître surprenante, mais c’est une façon de garder une certaine valeur aux jeux.
Imaginez que le prix public conseillé pour les jeux PS5 soit de 54,99 € (alors qu’il était de 69,99 € sur PS4). Que pensez-vous qu’il se passera du côté de la grande distribution ? Les jeux anciennement vendus 15 € sous leur prix de vente habituel, c’est-à-dire à 54,99 €, ne seront plus proposés à ce prix, mais à 44,99 € voire même 39,99 €… Il en résulterait une dévalorisation globale des jeux vidéo, alors même que les coûts de développement augmentent, ce qui nous a prévalu la taxe Next-Gen ! Et ça, Hughes Ouvrard en avait fait part à Jeux Actu, lorsqu’il était encore Directeur de Xbox France :
Aujourd’hui, sur le marché, il y a des distributeurs… Pas Micromania, mais par exemple Carrefour ou la grande distribution qui utilise le jeu vidéo, non pas parce qu’ils aiment le jeu vidéo, mais parce qu’ils veulent faire du jeu vidéo un produit d’appel pour que les gens achètent des bouteilles de lait, de la viande, etc. Du coup, ils fracassent le prix, le plus bas possible. Ils le vendent à perte… Et on peut vendre à perte en France, il suffit de réfléchir un peu pour orchestrer tout ça. Ils le vendent à perte et le résultat de cela, c’est une perte de valeur de manière générale pour le marché du jeu vidéo.
Pour que l’économie du jeu vidéo fonctionne bien, pour que l’écosystème soit sain, il faut qu’on arrive à soutenir un prix qui soit relativement élevé. Et pour soutenir ce prix élevé, on a choisi sur nos canaux de distribution de maintenir un prix qui soit assez haut.
Pour que l’économie du jeu vidéo fonctionne bien, pour que l’écosystème soit sain, il faut qu’on arrive à soutenir un prix qui soit relativement élevé. Et pour soutenir ce prix élevé, on a choisi sur nos canaux de distribution de maintenir un prix qui soit assez haut.
Hughes Ouvrard, ex-directeur de Xbox France
Le but d’avoir des jeux dématérialisé était également, historiquement, de protéger les enseignes physiques de vente de jeu vidéo. Yves Guillemot avait déclaré au journal Le Monde en 2013 que :
Les jeux numériques et les jeux en boîte sont au même prix, et cela devrait durer, car il n’y a pas de raison de changer
Il est aussi difficile de fixer un prix moindre pour les jeux dématérialisés, car les distributeurs seraient mis en porte-à-faux.
Yves Guillemot, directeur d’Ubisoft
Déclaration qui allait d’ailleurs dans le même sens que celle de Georges Fornay, le secrétaire général du Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisirs, qui avait formulé ce souhait dès 2012.
Les éditeurs veulent peut-être protéger les circuits de distribution classiques
Georges Fornay, le secrétaire général du Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisirs (SELL)
Et un rapport d’Hadopi arrive exactement à cette même conclusion : le tarif élevé des jeux dématérialisé ralenti la disparition des points de ventes physique de jeux. Mais pour combien de temps encore….
Et si en fait les jeux dématérialisés devenaient moins chers que les jeux physiques ?
Le Xbox Game Pass. Vous connaissez ? Accompagné de la Xbox Series S, cette console qui ne permet pas aux revendeurs de vendre des jeux à leurs clients… Et oui, pour 13 € par mois, vous accédez à un catalogue d’une centaine de jeux, dont des exclusivités Xbox disponible dès leur jour de sortie, y compris ceux qui sont vendus à 69,99 € dans le marché ! Une offre alléchante, n’est-ce pas… Même Sony s’est lancé dans la brèche de la « location de catalogue de jeu vidéo », tout en ajoutant des promotions très agressives et constante sur les jeux vidéo dématérialisés.
Et les résultats de ces politiques commencent à se faire sentir : Dans les boutiques de jeux vidéo, la section réservée aux jeux Xbox se réduit comme peau de chagrin, les jeux neufs devenant difficiles à vendre face à leur offre dématérialisés et les jeux d’occasions Xbox restent dans les bacs, les consommateurs pouvant les obtenir soit gratuitement via le programme Games With Gold, soit directement dans le Game Pass. Chez Sony, le problème est moindre… Mais il arrive tout de même que des vagues de jeux deviennent invendables, du fait de leur présence dans le programme Playstation Plus du constructeur, avec plus de 34,6 millions d’abonnés pouvant bénéficier de ces jeux sans frais supplémentaire…
Dans ces conditions, ne pourrait-on pas imaginer une baisse du prix des jeux uniquement sur les stores, en maintenant le même prix de vente actuel pour les revendeurs, afin de tenter de trouver un équilibre entre les prix trouvés en magasins et les prix trouvé sur les stores en ligne lorsque les jeux ne sont pas en promotion ?
Le Boycott…
Et par rapport à cette question, j’ai lu un curieux article très interessant de Branchez-vous qui parle de sources anonymes, un véritable lobby du jeu vidéo physique, qui auraient déclaré en 2014 :
Déjà qu’ils ne font pas tant que ça d’argent sur nos consoles, alors ils se rattrapent sur les jeux. Mais si on passe les jeux dématérialisés moins chers en ligne qu’en magasin, on s’est clairement fait dire, et ça concerne tous les pays où nous sommes présents, que nos consoles et jeux ne seraient plus en magasin.
Une personne de l’industrie
Info ? Intox ? Impossible de le savoir, mais on se souviendra de la PSP Go, arrivée trop tôt sur le marché, et qui s’était vue être victime d’un bashing massif de la part des boutiques de jeux vidéo, certains refusant même d’en vendre ! Cela ne vous rappelle-t-il pas une certaine Xbox Series S ? Et pourquoi, selon vous, Sony vend ses PS5 Digital Edition (qui ont un prix de vente fort intéressant de 399 € en plus d’être beaucoup moins demandées que les versions physiques) au compte-goutte ? Il est possible que cela soit fait pour ne pas froisser les partenaires historiques de PlayStation que sont les distributeurs, et la visibilité qu’ils lui procurent en magasin…
Quelle est la répartition des coûts d’un jeu selon les acteurs ?
Prenons en exemple un jeu qui serait vendu 100 €. Combien gagne chacun des intervenants dans le processus du jeu ? Selon mes sources, voici ce que récupèrent chacun des intervenants par rapport au prix d’un jeu :
- L’Etat : 20 € (TVA)
- Le détaillant : Entre 23 et 30 €* (Fnac, Micromania, Amazon ou le PlayStation Store, Microsoft Store, Steam, AppStore, eShop etc…)
- L’éditeur : Entre 18 et 26 € (Il prend en charge la communication du jeu, entre autres)
- Le développeur : Entre 14 et 24 €
- Le distributeur : Entre 10 et 12 €. (Dans le cas d’un jeu démat, cela revient au Store)
- L’usine de Blu-Ray ou de cartouches : Environ 3 € sur PC, mais 12 € pour une cartouche Nintendo**.
*Évidemment, un détaillant peut choisir de sacrifier totalement sa marge et vendre son jeu moins cher. Je parle ici de la marge dans le cas où le jeu est vendu au prix de vente conseillé.
**Le coût varie selon la taille de la cartouche en fait. Pour les jeux dématérialisés, c’est un peu plus complexe, mais il faut tenir compte des frais d’hébergement de ceux-ci (même si en réalité, les jeux physiques ont aussi besoin de serveurs de mise à jour).
Avec ce schéma, on voit très bien que le prix des jeux dématérialisé peut être baissé aisément d’au moins 12 € (le coût du distributeur) voire même 20 € en rognant sur la marge des stores… Mais dans les faits, entre le risque d’un boycott des enseignes physique, la baisse de chiffre d’affaires qui résulterait de cette baisse de prix (alors même que les jeux physiques se vendent, même à 80 €, on parle de 2 jeux dématérialisé vendu pour 3 jeux physique, le ratio est énorme), il y aurait-il un intérêt pour les constructeurs de prendre un tel risque ? Je n’en suis pas sûr…
Et vous, qu’en pensez-vous ? Sera-t-il possible un jour de voir les jeux dématérialisés vendus en dessous du prix de vente conseillé hors promotion ? Seriez-vous favorable à une telle décision, qui pourrait mettre en péril la distribution de jeux physiques ?