Dernièrement, Julien Chièze à répondu à un tweet de Conkerax, qui ventait son soutien à Microids via l’achat de la version physique de « Les Fourmis », ce à quoi Julien Chièze faisait remarquer, à juste raison, que les jeux vidéo dématérialisés permettent de soutenir aussi bien voire mieux les éditeurs et les développeurs de jeux.
Il faut dire que l’industrie du jeu vidéo a connu une transformation majeure avec l’essor du dématérialisé, révolutionnant à la fois la manière de consommer les jeux et les modèles économiques pour les éditeurs et développeurs. Alors que les jeux physiques restent un marché viable, ils imposent des contraintes spécifiques qui affectent directement les revenus des créateurs de contenu.
1. Différences de revenus : dématérialisé et physique
Le modèle dématérialisé : des marges accrues
Dans le cas des jeux dématérialisés, les coûts de production et de distribution sont considérablement réduits, ce qui offre des avantages financiers substantiels :
- Pas de coûts de fabrication : L’éditeur n’a pas besoin de produire de disques, de cartouches, ni de boîtiers.
- Distribution simplifiée : La vente passe par des plateformes comme le PlayStation Store, Xbox Store, Nintendo eShop, Steam ou Epic Games Store, supprimant les frais logistiques associés à l’envoi des copies physiques.
- Marges plus élevées : Bien que les plateformes prennent une commission de 30 % (12 % dans certains cas spécifiques comme Epic Games Store), les revenus restants pour l’éditeur sont souvent supérieurs à ceux d’une vente physique.
Par exemple, pour un jeu vendu 80 € en dématérialisé :
- 20% vont à l’Etat via la TVA (environ 16 €)
- 24 % vont au revendeur, ici la plateforme de vente (environ 19 €).
- Le reste (45 €) revient à l’éditeur, qui rémunère ensuite le développeur selon les accords contractuels (royalties, partage des revenus, etc.).
Le modèle physique : des marges plus réduites
Avec le physique, les marges sont souvent inférieures en raison des coûts supplémentaires :
- Fabrication des supports physiques : Les disques Blu-ray ou cartouches Nintendo Switch, les boîtiers, et les manuels engendrent des frais significatifs.
- Par exemple, une cartouche Switch coûte entre 2 € et 6 € selon sa capacité (1 Go à 32 Go), soit bien plus cher qu’un disque Blu-ray.
- Distribution et logistique : Le transport, le stockage et la gestion des invendus entraînent des coûts supplémentaires.
- Partage avec les revendeurs : Les détaillants (Amazon, Micromania, Fnac) prennent une marge de 20 à 30 % sur chaque vente.
Ainsi, pour un jeu vendu 80 € en physique :
- 20% vont à l’Etat via la TVA (environ 16 €)
- 12 % de royalties et de fabrication qui revient au constructeur (10 €).
- 12 % Le grossiste (10 €).
- 24% vont au revendeur (19 €).
- Il reste environ 25 € à l’éditeur, dont une partie va servir à rémunérer les développeurs.
Ce modèle limite les bénéfices pour les éditeurs, en particulier pour les jeux à petit budget ou de niche.
2. Les défis de la production physique
Seuils minimums de production
Créer un jeu physique n’est pas aussi simple que de générer un fichier numérique. Les fabricants de consoles imposent des seuils minimums de production pour les supports physiques, ce qui complique les choses pour les petits studios ou les titres à audience limitée.
- Nintendo Switch : La fabrication des cartouches impose un minimum de production généralement autour de 5 000 unités. Étant donné le coût élevé des cartouches, ce seuil représente un investissement important. Un studio devra engager plusieurs dizaines de milliers d’euros avant même la mise en vente.
- PlayStation 4/5 : Les disques Blu-ray sont moins chers à produire que les cartouches Switch, mais Sony impose aussi un seuil minimum de production de plusieurs milliers d’unités, ce qui peut engendrer des invendus si le jeu ne se vend pas assez bien.
- Xbox Series X|S : Les seuils sont similaires à ceux de PlayStation. Cependant, les marges peuvent parfois être un peu plus avantageuses selon les accords signés avec Microsoft.
Logistique et gestion des invendus
En plus des seuils, il faut gérer des problématiques spécifiques :
- Stockage : Les jeux invendus occupent de l’espace dans les entrepôts, ce qui génère des frais supplémentaires pour les détaillants.
- Réductions forcées : Si le jeu ne se vend pas, les éditeurs ou détaillants doivent réduire les prix pour écouler le stock, diminuant encore les marges.
- Risque financier : Contrairement au dématérialisé où chaque vente est une marge nette (après commission), le physique engage des fonds avant même qu’une copie ne soit vendue.
Les certifications et validations
Pour produire un jeu physique, il faut également passer par un processus de certification auprès des constructeurs (Nintendo, Sony, Microsoft). Ce processus, appelé Gold Mastering, est indispensable pour garantir la qualité du produit final, mais il est coûteux et chronophage.
3. Avantages et inconvénients pour les joueurs et les créateurs
Critère | Dématérialisé | Physique |
---|---|---|
Coûts pour l’éditeur | Faibles : pas de production ni logistique. | Élevés : fabrication, distribution, stockage. |
Accessibilité | Immédiate : achat et téléchargement instantanés. | Dépend des stocks et des délais de livraison. |
Pérennité | Risque de perte d’accès si les serveurs ferment. | Possession réelle d’un support physique. |
Impact environnemental | Faible, sauf pour les serveurs. | Pollution liée à la production et aux transports. |
Revenus | Marges plus élevées pour les éditeurs et développeurs. | Marges réduites à cause des coûts externes. |
4. Conclusion : l’équilibre entre les deux modèles
Le dématérialisé offre des marges supérieures et des coûts réduits, ce qui en fait un choix privilégié pour de nombreux éditeurs, notamment pour les jeux indépendants et les petites productions. Cependant, le physique conserve des avantages stratégiques : il attire les collectionneurs, favorise la visibilité en magasin, et permet aux joueurs d’avoir un support tangible.
Les seuils minimums de production et les coûts initiaux restent des défis pour les petits développeurs, en particulier sur des plateformes comme Nintendo Switch. Cependant, certains éditeurs (comme Limited Run Games) se spécialisent dans l’édition de jeux physiques en petites quantités, aidant les studios à contourner ces contraintes.
Pour l’avenir, un équilibre entre les deux formats devrait perdurer, chaque modèle répondant à des besoins spécifiques du marché et des joueurs. Avoir le choix reste toujours la meilleure alternative !
Pour aller plus loin :
Sources :
- Coûts de production physiques pour Nintendo Switch et cartouches
Un article détaillant les coûts et défis liés à la production physique, notamment des cartouches Nintendo Switch par Limited Run Games, peut être trouvé sur Gamasutra (maintenant GameDeveloper) : Game Developer – Limited Run Games on physical costs - Commission des plateformes numériques (Epic vs Apple)
L’affaire Epic vs Apple explore les commissions de 30 % prélevées par Apple et d’autres plateformes. Consultez ces articles pour plus d’informations : - Règles et coûts des versions physiques sur consoles
Les défis de la production physique sur Xbox, PlayStation et Nintendo Switch, y compris les seuils de commande minimum, sont également discutés dans des articles accessibles sur les forums et blogs de l’industrie. Ressources utiles :